Interview de Marielle Vannier par Timour AGGIOURI pour Merci Pour l’Info.
» Vous en avez assez de votre emploi et n’en avez pas (encore) trouvé un autre ? Dans certains cas, vous pouvez sans crainte mettre les voiles car France Travail vous assure une indemnisation. C’est le cas des 17 démissions reconnues comme « légitimes ». Deux autres dispositifs sont possibles.
Par Timour Aggiouri
Avec Marielle Vannier, avocate spécialiste en droit du travail
Attention aux transactions frauduleuses !
Certains employeurs proposent à leurs salariés la mise en place d’une fausse procédure de licenciement accompagnée d’une somme d’argent. Leur intérêt principal est la confidentialité : les deux parties se quittent en bons termes (l’accord transactionnel du salarié parti amiablement étant strictement confidentiel, y compris à l’égard de ses collègues). Ces manœuvres frauduleuses ne sont pas rares. Sollicitez un avocat ou un syndicat pour savoir comment répondre à une telle proposition.
Les démissions légitimes
Le dispositif Les démissions considérées comme légitimes par France Travail (ex-Pôle emploi) peuvent ouvrir droit au versement de l’ARE. La liste des cas de démission légitime est limitée à dix-sept. Parmi les situations les plus courantes, vous démissionnez car vous vous mariez ou vous pacsez et changez de résidence, ce déménagement intervenant dans un délai de 2 mois avant ou après le mariage ou le pacs. À titre de preuves, vous devez présenter à France Travail votre livret de famille, un extrait ou une copie de l’acte de mariage ou une attestation d’inscription de la déclaration de pacs au greffe du tribunal judiciaire ainsi qu’un justificatif de domicile de l’ancien et du nouveau lieu de résidence (facture, contrat de location, avis d’impôt sur le revenu, etc.).
Parmi les autres hypothèses de démissions légitimes ouvrant droit à indemnisation :
- vous êtes victime de violences conjugales (vous devez fournir à France Travail une copie de la plainte ou un récépissé ou prouver la citation directe de l’auteur devant le tribunal) ;
- dans le cadre de votre activité professionnelle, vous êtes victime d’un acte délictueux comme un harcèlement sexuel ou moral ou encore des menaces de mort (mêmes justificatifs) ;
- votre employeur ne vous verse pas les salaires qui vous sont dus en dépit d’une décision de justice qui le lui impose (vous devez transmettre à France Travail une copie de la décision).
Les points forts Après une démission légitime, vous percevez l’ARE, comme un chômeur dont le contrat à durée déterminée (CDD) a pris fin ou qui a fait l’objet d’un licenciement ou encore qui a conclu une rupture conventionnelle (voir page suivante) avec son employeur.
Le point faible Vous devez vous trouver précisément dans l’un des cas prévus et apporter les preuves de votre situation pour prétendre à une indemnisation de France Travail. Si vous quittez votre poste par lassitude ou pour mésentente avec votre employeur, votre départ n’est pas considéré comme légitime.
Le conseil de l’experte
Comment obtenir une indemnité de départ
La démission légitime reste une démission : il s’agit d’adresser à votre employeur une lettre et vous devez respecter le préavis de votre contrat de travail. Toutefois, il peut se négocier avec l’employeur qui n’a pas grand intérêt à contraindre un salarié peu motivé à rester.
Vous pouvez bénéficier d’une indemnité compensatrice de préavis si vous êtes dispensé de l’effectuer.
La démission-reconversion
Le dispositif Méconnue, la démission-reconversion vous permet de percevoir une indemnisation de l’assurance-chômage après votre départ si vous poursuivez un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’une entreprise (article L. 5422-1 du Code du travail). Le projet doit présenter un caractère réel et sérieux attesté par une commission paritaire interprofessionnelle. Avant de démissionner, vous devez demander un conseil en évolution professionnelle (CEP), qui vous aide à établir votre projet (Mon-cep.org). Attention : ne démissionnez pas avant d’avoir obtenu l’accord de la commission. À défaut d’accord, vous risqueriez de ne pas percevoir les allocations d’aide au retour à l’emploi (ARE).
Les points forts « C’est une façon très saine de quitter son entreprise », témoigne Sandrine, qui a bénéficié d’une démission-reconversion. Une rupture conventionnelle ou un licenciement « peut détruire la confiance en soi du salarié, d’autant plus si le départ intervient dans un contexte de burn-out ou de bore-out. Au contraire, la démission-reconversion aide à redonner confiance en soi. Elle constitue une validation objective de son projet par quelqu’un d’extérieur ». Sandrine a gardé de bonnes relations avec son ancien employeur, pour lequel elle travaille toujours en freelance.
Les points faibles La procédure est longue et fastidieuse. Entre le moment où Sandrine a envisagé d’utiliser le dispositif et celui où elle a quitté son entreprise, il s’est écoulé six mois. Une personne qui souhaite créer ou reprendre une activité doit notamment présenter une analyse de marché (clientèle et concurrence), ses ressources et besoins de financement.
Le conseil de l’experte
Comment obtenir une indemnité de départ
Aucun texte n’impose à l’employeur de verser au salarié démissionnaire une indemnité de départ. La seule somme qui vous est due correspond aux congés payés que vous n’avez pas pris.
Pour être en position de force de négocier une indemnité (par exemple en dédommagement d’une défaillance de l’employer durant le contrat : temps de travail, prévention santé…), conservez les preuves des fautes de l’employeur et écrivez-lui dans votre lettre de démission pour reconversion que sans ces fautes, vous n’auriez pas envisagé de quitter l’entreprise et vous vous seriez abstenu de vous engager dans un processus de reconversion.
https://demission-reconversion.gouv.fr/
La rupture conventionnelle
Le dispositif Ni démission, ni licenciement, la rupture conventionnelle est un départ négocié avec votre employeur. Une convention fixe le montant de l’indemnité de départ (1/4 à 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté, sauf convention collective mieux-disante).
Après signature, les parties ont 15 jours calendaires pour se rétracter. Ce délai écoulé, l’employeur (ou le salarié) adresse la convention à l’inspection du travail, qui dispose de 15 jours ouvrables pour l’homologuer. Son silence vaut acceptation.
Les points forts La procédure peut être brève. Son issue permet de dénouer un conflit, ainsi que l’illustre l’histoire d’Isabelle, cadre dans une association. « Mon employeur a été soulagé de ma décision : il estimait que je n’étais pas assez malléable. J’ai obtenu une indemnité supérieure au minimum auquel j’avais droit. Comme j’étais en relation avec les milieux politiques, l’association craignait certainement que je porte atteinte à sa réputation. »
Les points faibles Vous ne pouvez pas l’imposer à votre employeur. Les discussions peuvent s’enliser. « Mon employeur m’avait fait comprendre que je n’avais plus ma place dans l’entreprise, dans un contexte de restructuration. Mes supérieurs m’avaient retiré mes dossiers et fait des remarques désobligeantes. Cela a pris 5 mois, mais j’ai pu obtenir une partie du paiement de mes heures sup’ », rapporte David, directeur comptable d’un groupe industriel. Votre employeur peut préférer une démission, pour éviter de payer une indemnité de rupture conventionnelle… et d’envoyer un signal de départ aux autres salariés.
Le conseil de l’experte
Comment convaincre votre employeur
Si votre employeur s’oppose à une rupture conventionnelle, vous pouvez arguer de fautes qu’il a commises dans l’exécution du contrat de travail et souligner votre intérêt commun à rompre amiablement avant que la situation ne se détériore.
Pour obtenir une indemnité de rupture supérieure au minimum, vous pouvez insister sur ces fautes, en exigeant la prise en compte de la réparation des préjudices subis. S’il est d’accord, votre employeur peut trouver pertinent, pour se protéger juridiquement, de conclure une transaction avec vous, prévoyant le versement d’une indemnité transactionnelle, en plus de l’indemnité de rupture. »