Grève: les 10 points-clés à retenir avant d’opter pour le télétravail

Interview de Marielle VANNIER par LE FIGARO

Grève: les 10 points-clés à retenir avant d’opter pour le télétravail

Moins de formalités, plus de souplesse… Depuis les ordonnances Macron, les salariés peuvent plus facilement travailler à la maison.

Les journées de grève se succèdent, avec leur lot de perturbations dans les transports en commun et de bouchons sur les routes. Pour remédier à ces désagréments, de nombreux salariés optent pour le télétravail. Qu’il soit ponctuel (en cas de grève des transports, par exemple) ou régulier, le télétravail peut être mis en place assez facilement et fonctionner de manière très souple. Mais l’employeur conserve une grande lattitude pour autoriser ou pas des salariés à travailler de chez eux.

  1. Le télétravail est possible même en l’absence d’accord collectif

De nombreuses entreprises ont négocié un accord collectif avec les organisations syndicales. Le texte précise par exemple les catégories de salariés dont les fonctions sont compatibles avec le télétravail, les horaires auxquels ils doivent éventuellement rester disponibles ou joignables, les conditions dans lesquelles l’entreprise peut mettre fin au télétravail, etc… Mais l’employeur peut aussi décider de mettre en place unilatéralement une charte qui fixe les règles du jeu. Si ni l’un ni l’autre n’existent dans l’entreprise, il est possible de télétravailler malgré tout: il suffit que le salarié qui le souhaite et son employeur se mettent d’accord, qu’il s’agisse de télétravail ponctuel ou pérenne (une journée par semaine, par exemple).

  1. L’accord entre le salarié et l’employeur doit être formalisé

«Un simple accord verbal comporte des risques», insiste Marielle Vannier, avocate spécialiste du droit du travail. Les juges ont ainsi récemment donné raison à une entreprise qui avait licencié pour faute un salarié. Il refusait de renoncer au télétravail que l’entreprise avait autorisé oralement, ce qu’il n’a pas pu prouver. «Un simple e-mail ou SMS est une preuve suffisante, précise l’avocate. Mais, surtout si aucun accord collectif n’établit les règles du jeu, il reste conseillé – bien que cela ne soit plus obligatoire – de rédiger un avenant au contrat de travail. Il précisera, par exemple, les horaires ou les conditions auxquelles l’employeur pourra revenir sur cet accord.» Un accident à domicile par exemple est considéré comme un accident du travail s’il se déroule pendant les heures de travail. Mais si celles-ci n’ont pas été clairement précisées, la frontière devient plus floue.

  1. Le salarié peut changer d’avis

«Il peut à tout moment, sans préavis, revenir à son poste dans l’entreprise», rappelle Caroline André-Hesse du cabinet AyacheSalama. Cette disposition a été prise pour prévenir les troubles psychosociaux: certains salariés vivent mal l’isolement.

  1. L’employeur ne peut mettre fin au télétravail sans préavis

Les accords collectifs prévoient souvent que l’employeur peut «résilier» l’autorisation de télétravailler un ou plusieurs jours par semaine, en respectant un préavis. «Mais s’il n’y a pas d’accord collectif et si aucun avenant au contrat de travail ne fixe les conditions de ce revirement, l’entreprise ne peut supprimer unilatéralement le télétravail du salarié», relève Caroline André-Hesse. En pratique, il est bien sûr difficile de tenir tête à un employeur qui exige le retour au bureau. Au moins peut-on tenter de négocier un délai de grâce…

  1. L’entreprise garde un pouvoir discrétionnaire

Même s’il a accordé la possibilité de télétravailler à un de vos collègues, qui a les mêmes fonctions, votre employeur peut, sans explications, vous refuser la même souplesse, dès lors que le télétravail n’est pas encadré dans l’entreprise par un accord collectif ou une charte. C’est seulement si vous êtes handicapé ou «proche aidant» (vous assistez au quotidien un de vos proches invalides) qu’il doit motiver son refus. «Mais il ne peut pas déroger au principe de l’égalité de traitement entre les salariés: il faut que sa décision s’explique par un critère objectif», souligne Isabelle Pontal, avocate au cabinet Jeantet. Il est rare qu’un salarié attaque en justice pour cette raison. Mais c’est parfois un argument supplémentaire dans un dossier déposé devant les juges pour d’autres motifs: non content par exemple de licencier abusivement son collaborateur, l’employeur avait par exemple déjà fait preuve de discrimination – par l’âge, le sexe… – en refusant le télétravail au plaignant alors qu’il l’autorisait à d’autres.

  1. L’employeur peut refuser même si vous remplissez si les conditions prévues

L’accord collectif ou la charte peut limiter les conditions d’accès au télétravail (ancienneté minimale dans l’entreprise, …). «Si vous remplissez ces conditions et que l’employeur refuse quand même, il doit au moins motiver son refus, par des critères objectifs: vos résultats, les caractéristiques de votre poste?», précise Isabelle Pontal.

  1. Dans certains cas, refuser est délicat

Lorsque le télétravail est recommandé par le médecin du travail, les employeurs sont plus prudents. «Même s’il n’y a pas encore de jurisprudence sur ce sujet, ils risquent d’être en tort en allant contre l’avis du médecin», souligne Marielle Vannier. De même, en cas de forte pollution ou d’épidémie, un employeur qui exposerait ses collaborateurs à des risques pour leur santé en ne proposant pas le télétravail pourrait se le voir reprocher, estime-t-elle.

  1. L’employeur n’est pas obligé de fournir un ordinateur

Le salarié doit se débrouiller pour disposer de l’équipement nécessaire chez lui: l’employeur n’est plus contraint de financer le matériel. En pratique, le problème se pose moins aujourd’hui, car les salariés sont de plus en plus souvent dotés d’outils nomades, qu’ils emportent chez eux.

  1. Vous pouvez recevoir une indemnité

«L’entreprise est censée indemniser le collaborateur pour les frais correspondants au télétravail, parce que par exemple il y consacre un endroit chez lui», indique Caroline André-Hesse. Certaines entreprises accordent à ce titre par exemple 70 à 100 euros par mois, quand le télétravail est régulier. Cela se justifie notamment quand, grâce à cette solution, l’entreprise réalise des économies sur la surface de bureaux nécessaire pour accueillir tous les salariés. Mais aucun minimum légal n’étant prévu, l’employeur peut aussi faire l’impasse.

  1. Vous devez avertir votre assureur

En principe, l’employeur doit vérifier que la sécurité du salarié est assurée dans son logement ou, au moins, lui demander une attestation sur l’honneur. Le salarié doit, de son côté, avertir son assureur qu’il télétravaille régulièrement chez lui. Mais si l’ordinateur du bureau est volé à son domicile, c’est l’assurance de l’entreprise qui jouera.

Anne BODESCOT
Journaliste
https://www.lefigaro.fr/decideurs/teletravail-les-10-points-cles-a-retenir-20191203