Interview de Marielle Vannier par Marine Guichard pour Merci Pour l’Info
« Alors que, depuis le 9 février, la RATP est passée à la semaine de travail en 4 jours pour tous ses salariés, sur la base du volontariat, où en sont les débats sur le sujet en France, et que dit le droit ? On fait le point.
Ce dimanche 9 février marque le point culminant d’une expérimentation menée par la RATP depuis 2024 : les salariés de toutes les lignes de métro et RER peuvent désormais passer, sur la base du volontariat, à la semaine de travail en 4 jours. Comprenez : ils travaillent toujours 35 heures, mais répartis sur 4 jours au lieu de 5.
Contacté par Merci pour l’info, le service de transports en commun parisien explique que cette expérimentation, qui a débuté en janvier 2024 et s’est donc généralisée dimanche, a pour but de répondre « aux attentes des agents en termes d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ». 300 volontaires sur certaines lignes ont testé ce nouveau rythme de travail, qui « a recueilli des retours très positifs des agents et managers impliqués. Elle a permis une amélioration notable du bien-être des agents, avec des effets sur la fatigue, le stress, et l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle ».
Cette expérimentation ne concernait toutefois pas tous les salariés, mais « les agents de gares du RER et de stations de métro au contact des clients ». Plusieurs systèmes de roulement ont été proposés aux salariés, par exemple une semaine de 4 jours travaillés, 3 jours de repos et une rallonge de la journée de travail d’1h30, ou bien des roulements de 4 jours travaillés, 2 jours de repos et pas d’allongement de la journée de travail… Une expérimentation qui, d’après des témoignages relayés par plusieurs titres de presse, a semblé porter ses fruits auprès des salariés, qui se sentent moins fatigués et stressés.
Où en sont les débats en France ?
Les questions autour de la semaine de 4 jours font régulièrement débat. La semaine de travail de 5 jours et 40 heures a été initiée par l’industriel américain Henri Ford en 1926, dans un objectif de fidélisation des employés et de meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle. En France, l’économiste Pierre Larrouturou a été le premier à proposer la semaine de 4 jours, dès 1993.
Elle a déjà été testée par des entreprises en France. LDLC a été la première, en 2021, à passer à la semaine de travail de 32 heures sans baisse de salaire. D’autres entreprises ont suivi, même si, en 2022, seulement 5 % des entreprises françaises avaient pris le pli, d’après Franceinfo. Pourtant, d’après une étude de l’Ifop pour Politis, en 2024, 70 % des Français se déclaraient favorables à la semaine de 32 heures payée 35.
Ce n’est toutefois pas l’option qui semble avoir été privilégiée par l’exécutif, puisque dans son discours de politique générale en janvier 2024, Gabriel Attal, alors Premier ministre, proposait une expérimentation de la semaine de travail en 4 jours dans la fonction publique. La différence est subtile, mais importante : il ne s’agit pas d’une réduction du temps de travail, mais de condenser la semaine de travail sur 4 jours au lieu de 5. En clair, on travaille 8h45 sur la journée, et ce pendant 4 jours au lieu de 5. Une organisation qui ne plaît pas aux syndicats, puisqu’il ne s’agit pas d’une réduction du temps de travail. Débutée au printemps 2024, l’expérimentation devait durer un an. D’après le ministère du Travail, contacté par Merci pour l’info, le débat ne semble pas devoir être remis sur la table.
Que dit le droit ?
Le Code du Travail ne mentionne pas explicitement le nombre de jours travaillés minimum. Il est cependant très strict en ce qui concerne la durée maximale. Contactée par Merci pour l’info, Maitre Marielle Vannier, avocate en droit du travail, l’exprime très clairement : « Un salarié ne peut pas travailler plus de 6 jours par semaine. » Ainsi, le cadre général comprend une semaine de travail de 35 heures, à laquelle il peut y avoir, sous conditions, des dérogations. Un salarié ne peut pas travailler plus de 10 heures dans une même journée (ou 12 heures sous dérogation très stricte), plus de 48 heures par semaine et plus de 44 heures sur 12 semaines consécutives. Il doit également bénéficier d’un repos hebdomadaire d’au moins 24 heures consécutives, ainsi que d’un repos quotidien d’au moins 11 heures.
Concernant une possible obligation de votre employeur à passer à la semaine « de » ou « en » 4 jours, les règles diffèrent, justement, sur les modalités. Pour passer à la semaine de 4 jours, l’employeur doit passer par « un accord d’entreprise » avec le Comité sociale et économique (CSE, obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés), puisque cela nécessite de modifier la durée du temps de travail, comme l’explique Maitre Vannier. Il existe toutefois une situation dans laquelle un employeur peut modifier la durée du temps de travail, de même que la rémunération du salarié, sans l’accord de celui-ci : en cas d’accord de performance collective. Ce dispositif permet à l’entreprise de « s’adapter à son environnement économique, de préserver ou développer l’emploi, en clair d’éviter plus tard des licenciements économiques ». Une fois que cet accord est signé, précise Maitre Vannier, si l’employé refuse, « il peut être licencié pour cause réelle et sérieuse ».
La semaine en 4 jours, comme elle n’implique pas de modification du temps de travail, mais un changement d’organisation, est différente. « S’il y a baisse de rémunération, l’employeur doit obligatoirement obtenir l’accord du salarié », précise Maitre Vannier. « Sinon, la jurisprudence a tout de même estimé, dans l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 23 janvier 2001, que passer de la semaine de 4 à 5 jours de travail constituait une modification du contrat de travail, et que l’accord de l’employé était nécessaire. L’inverse, c’est-à-dire passer de 5 à 4 jours, serait donc identique ». Semaine « de » ou « en » 4 jours, le débat est loin d’être tranché, et la France peine à l’imposer. Mais des initiatives fleurissent, comme 4jours.work, qui a pour objectif d’aider les entreprises, dont les PME, à passer sans accroc à la semaine de 4 jours. »
Publié le 10 févr. 2025 par Marine Guichard