Licenciement pendant le confinement 2

Interview de Marielle Vannier pour Dossier Familial par Timour Aggiouri :

Le gouvernement de Jean Castex incite les employeurs à conserver leurs salariés malgré la récession et le nouveau confinement, mis en œuvre depuis le 30 octobre contre l’épidémie de Covid-19. Il facilite le recours au dispositif d’activité partielle – chômage partiel dans le langage courant –, en vue de limiter le nombre de pertes d’emploi et de faciliter la reprise.

Mais l’exécutif n’a pas interdit les licenciements. Il a maintenu le cadre de la rupture du contrat à durée indéterminée (CDI) à l’initiative de l’employeur. Différentes règles protectrices continuent à bénéficier aux salariés susceptibles d’être licenciés durant la crise sanitaire.

L’impossibilité de poursuivre l’activité de l’entreprise en raison du confinement peut-elle justifier un licenciement ?

Non. « Un licenciement uniquement lié au confinement ne peut être justifié, puisque l’employeur a la possibilité de recourir à l’activité partielle, explique à Dossier Familial Marielle Vannier, avocate à Meudon (Hauts-de-Seine). L’employeur risquerait d’être condamné pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à prouver que la gravité de la situation de l’entreprise dépasse le cadre du confinement. »

La crise sanitaire ne peut constituer une force majeure justifiant un licenciement, « sauf dans des cas extrêmes », estime notre interlocutrice, relevant qu’« il y a un débat parmi les juristes sur ce sujet ». La CFDT précise sur le site du syndicat que les conseils de prud’hommes et les cours d’appel seront amenés à se prononcer « si la question devait leur être posée ».

Toutefois, « par rapport au premier confinement, les avocats atténuent leur recommandation de ne pas licencier. Compte tenu des difficultés économiques et des prévisions économiques très pessimistes, un licenciement pour motif économique peut se justifier », précise Me Vannier. « Les avocats des employeurs devront sûrement prouver devant les juges du fond que les aides gouvernementales ne permettent pas d’éviter les suppressions de poste », ajoute l’avocate.

 

Des procédures de licenciement peuvent-elles aboutir durant le confinement ?

Oui, rien n’empêche les procédures de licenciement d’arriver à leur fin. L’employeur peut respecter durant le confinement le schéma des procédures de licenciement, qui repose sur trois étapes : la convocation à un entretien préalable, ce rendez-vous et la notification du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception.

« La Poste ne s’est pas arrêtée, elle fonctionne normalement, observe Marielle Vannier. Je ne rencontre pas de souci sur l’envoi des lettres recommandées. »

L’organisation de l’entretien préalable pose certes problème, dans l’hypothèse où le salarié et l’employeur ne comptent pas faire de déplacement pour se rendre dans les locaux de l’entreprise.  « Aucun texte ne prévoit qu’un entretien préalable par visio-conférence est valable. Aucune mesure dérogatoire n’a été prise en ce sens, comme pour les réunions du comité social et économique », indique l’avocate.

Sur la validité de cette étape du licenciement par visio-conférence, les décisions des cours d’appel vont dans des sens opposés. 

« Si l’employeur tient à mener un entretien par ce biais, le risque est limité pour lui : il ne s’agirait que d’un vice de procédure. Dans un arrêt du 7 janvier 2020, la cour d’appel de Grenoble a condamné à 500 € de dommages et intérêts un employeur concerné », observe Marielle Vannier. D’après la juriste, une condamnation est possible si le salarié parvient à prouver que le vice de procédure lui a causé un préjudice et à évaluer ce dernier. Le montant maximal qui lui est dû est plafonné à 1 mois de salaire. Quelle que soit la solution, le licenciement n’est pas remis en cause.

« Lorsque j’accompagne un employeur dans une procédure de licenciement, je lui conseille de laisser le choix au salarié entre un entretien par visio-conférence ou dans un bureau », rapporte Me Vannier.

 

Les conseils de prud’hommes accueillent-ils toujours des saisines ?

Oui, les conseils de prud’hommes, tout comme les cours d’appel, susceptibles de trancher en seconde instance des litiges individuels de travail, continuent à accueillir les saisines des salariés ou de leur avocat. « En mars, une audience dans une affaire où j’interviens a été reportée au mois de novembre. Elle va pouvoir avoir lieu », se félicite Marielle Vannier.

Alors que les délais de prescription avaient été suspendus par ordonnance durant le précédent confinement, le président de la République n’a pas pris de mesure similaire. Si vous souhaitez agir en justice contre votre (ancien) employeur, n’attendez pas.

 

https://www.dossierfamilial.com/actualites/emploi/licenciement-pendant-la-crise-sanitaire-quels-sont-vos-droits-433496

 

 

Tant bien que mal, la justice poursuit son activité durant le confinement

Interview de Marielle Vannier pour Dossier Familial par Timour Aggiouri : Vous avez le droit de vous rendre dans une juridiction si vous êtes partie ou témoin à un procès. Mais entre reports d’audience et risque de contamination au Covid-19, la crise sanitaire a un sérieux impact sur le fonctionnement du service public de la justice… https://www.dossierfamilial.com/actualites/vie-pratique/tant-bien-que-mal-la-justice-poursuit-son-activite-durant-le-confinement-872309